«Je suis une interface, le lieu où se catalysent les éléments, 
    où s’activent les transitions.» 
    
    Arthur Debert développe une pratique protéiforme qui trouve son origine dans le travail collectif et dans l’échange. 
Ancrée dans une démarche contextuelle, son œuvre prend corps au moyen de déplacements, de rencontres et de collaborations multiples. 
Au centre de ces échanges se trouve la question de la transmission et de la survivance des savoirs. 
Les objets rencontrés sur le terrain sont alors appréhendés à la fois comme les témoins et les porteurs de récits épistémologiques à décrypter. 
Pour en révéler les différentes couches culturelles sédimentées en leur sein, l’artiste trouble leur linéarité temporelle 
au travers de mises en espace décalées et d’activations collectives. Installations, vidéos et éditions permettent ensuite 
de fixer l’état éphémère et indéterminé des expériences vécues qui en résultent.
  
Licia Demuro, 2017.
  
  
  
  Mes travaux sont tous teintés par l’Histoire du Cinéma,   chacun 
  l’est plus spécifiquement soit par un film, un personnage ou une anecdote. 
  Dans mes récentes présentations, la vidéo est presque absente. 
  Cela m’oriente de plus en plus vers l’horizon du geste. 
  Depuis que je suis en mouvement entre la France, l’Allemagne et la Chine 
  je développe une pratique où je prends souvent le rôle de médiateur, 
  transportant et traduisant des objets et des histoires d’un pays à un autre. 
  A travers ces expériences, j’explore la possibilité de réaliser des « films » 
  sans caméra, telles des images en mouvement sans support, 
  où les objets et leurs actions deviennent des images mouvantes 
  et racontent leurs propres histoires tout en rappelant celle du cinéma. 
  Mes recherches actuelles se situent entre l’Archéologie des médias 
  et la circulation des images en regard avec les formes de transgression, 
  de storytelling et de transmission.
  
Arthur Debert, 2019.
    
  
    
    
    
    
   
  
Polyphases
Les objets se perdent et disparaissent. Les formes qu’ils représentent, 
    elles, ne meurent pas, elles sont des fonctions. Nous, nous activons 
    ces images et ainsi réactualisons leur contenu en d’autres lieux 
    et en d’autres temps. Nous sommes les interprètes impermanents
    de ces formes qui nous traversent en passant de mains en mains, 
    leurs fonctions à jamais intactes.
Il n’y a que des flux, de personnes et d’objets ; des mouvements 
    et des métamorphoses, d’un état à un autre. Nous sommes interchangeables, 
    polyphasiques. Nous pouvons aller et venir sans altération, 
    naviguant entre ces statuts, et ainsi traverser ces états indéterminés 
    et passer par les points critiques où nous sommes tout à la fois.
Je suis une interface, le lieu où se catalysent les éléments, 
    où s’activent ces transitions. Ici support, sujet et objet sont interdépendants, 
    dansant la même ronde que l’artiste, le curateur et le collectionneur. 
    Je bricole les formes et les fonctions, créant des hybrides qui ne se veulent 
    au départ ni efficaces, ni productifs, ni beaux.
Cela ne dure qu’un temps et les masques et les danses finissent 
    toujours par se taire momentanément, alors je redistribue les rôles 
    à tous les joueurs avant que  la ronde reprenne. Je suis l’instrument 
    de gestes que je n’ai jamais appris. Je suis la caméra qui enregistre 
    ces mouvements, ces trafics d’influences qui se trament sous mes yeux. 
    Sur le vaisseau monde, nous sommes plusieurs à penser ainsi, 
    et de temps à autres il nous arrive de nous entendre de loin 
    comme un échos. Nous dialoguons pendant des jours, parfois 
    des mois, un mots après l’autre, préparant des plateformes 
    en vue de nos rendez-vous futurs entre collaborateurs égaux.
Nous devrons sûrement pour cela redensifier le dialogue, 
    remettre en jeux les langages ainsi que trouver des manières 
    de continuer à travailler, ensemble et non les uns contre 
    les autres. Il nous faudra ré-inclure du jeu et des erreurs là où l’on en voulait plus, 
    et créer nous-même, de toutes pièces rapportées, les armes de dépasser nos égos.
  
Je ne sais rien de la suite du voyage si ce n’est que nous serons plusieurs à le faire, 
    que c’est en se déplaçant ensemble que nous créerons les espaces nouveaux 
    dont nous aurons besoin, dans les soutes de nos transports et non sur les îles
    désertes qui jalonnent la route. Je serai le colporteur, interprétant de toute mes forces 
    les danses que j’aurai trouvées utiles, les formes qui me semblent nécessaires 
    et je réunirai ainsi toutes les oeuvres dont nous aurons besoin.
juillet 2015